diagnostic du paludisme

page réalisée par

Gérard MARTET

professeur agrégé

service de biologie

Hôpital d'Instruction des Armées Laveran, Marseille, France

et par

François PEYRON

professeur agrégé

service de parasitologie

Hôpital de la Croix Rousse, Lyon, France

 

mise à jour : 18 septembre 2000

biologie.hialaveran@wanadoo.fr

peyron@cismsun.univ-lyon1.fr


 

Généralités

Les outils du diagnostic

La stratégie diagnostique

Le frottis sanguin

La goutte épaisse

Le QBC-malaria test®

La recherche de l'antigène HRP2

Les techniques de coloration

L'identification des parasites


 

Généralités

La recherche de Plasmodium, diagnostic d'urgence parasitologique, doit être faite immédiatement quand il y a suspicion d'accès grave et de façon très rapide dans toutes les autres formes cliniques de paludisme.

Le biologiste va devoir répondre à trois questions :

  1. L'examen met-il en évidence un Plasmodium ?
  2. S'agit-il de Plasmodium falciparum ?
  3. S'il s'agit de Plasmodium falciparum, quelle est la densité parasitaire ?

La difficulté du diagnostic clinique (forme atypique) et biologique (forme pauci parasitaire) chez des malades ayant suivi une chimioprophylaxie contraint parfois à hospitaliser et à multiplier les examens diagnostiques. Le traitement présomptif reste encore parfois une nécessité.

En zone d'endémie, tout particulièrement en Afrique, le traitement est donné à la suite d'un diagnostic clinique où le symptôme majeur est la fièvre. S'il est pleinement justifié, ce traitement présomptif des accès fébriles n'apporte pas une solution pleinement satisfaisante : cette attitude entraîne la prescription de traitements injustifiés pour des fièvres non palustres et majore la pression médicamenteuse exercée sur le parasite. De plus, la chimiorésistance de Plasmodium falciparum impose des choix thérapeutiques avec des molécules moins bien tolérées et beaucoup plus onéreuses que la chloroquine. La résistance à ces nouvelles molécules peut aussi se développer rapidement si leur usage n'est pas judicieux. Seule la mise en évidence du parasite peut apporter un diagnostic de certitude et conduire à un traitement approprié.

retour au sommaire

 

Les outils du diagnostic

C'est l'examen d'un prélèvement sanguin en microscopie optique qui permet le diagnostic parasitologique direct. Les tests sérologiques n'indiquent qu'un contact avec le parasite et ne présentent qu'un intérêt épidémiologique. Une nouvelle génération de tests se développe, rendue possible par l'isolement et la purification d'antigènes provenant de divers stades du développement parasitaire et par la production d'anticorps monoclonaux spécifiques de ces antigènes et de forte avidité.

Le diagnostic microscopique

  1. Le frottis sanguin
  2. la goutte épaisse
  3. le QBC-malaria test®

Mise en évidence des antigènes parasitaires

  1. Recherche de l'HRP2
  2. D'autres tests sont en préparation, pour certains en phase d'évaluation. La cible peut être la recherche des LDH plasmodiales. Les tests multi-espèces sont pour demain.
  3. La mise en évidence des antigènes parasitaires dans les érythrocytes infectés, solubilisés puis révélés par des techniques de radio-immunotitrage ou par des techniques immunoenzymatiques (ELISA), ont été décrites. Elles restent inadaptées au diagnostic de routine en raison de la difficulté qu'il y a à standardiser les réactifs utilisés et à éliminer tous les anticorps anti-palustres de l'échantillon testé.

Techniques faisant appel à la biologie moléculaire

Ces techniques sont fondées sur la détection de séquences caractéristiques de l'ADN génomique plasmodial à l'aide de sondes d'ADN dénaturé contenant une séquence nucléotidique complémentaire d'une séquence répétitive de l'ADN parasitaire. La PCR (polymerase chain reaction) améliore les techniques d'hybridation en amplifiant sélectivement une région du génome du parasite. Mais ces techniques sont encore du domaine du laboratoire de recherche et elles ne sont pas adaptées à l'urgence.

La cytométrie de flux en continu

Cette technique utilise un cytomètre de flux, appareil sophistiqué et coûteux, ce qui en limite l'utilisation à quelques laboratoires bien équipés et disposant de personnel très qualifié.

Elle s'est avérée capable de déceler automatiquement les hématies parasitées après marquage de l'ADN parasitaire par le thiazol orange. C'est une technique très sensible, autorisant une quantification de la parasitémie, spécifique mais ne permettant pas une différenciation des espèces.

Les principales caractéristiques des moyens diagnostiques actuellement utilisables

1. Le frottis sanguin :

  • seuil de détection : 100 HPM (hématies parasitées par microlitre), soit 0,0025 %, soit 1 parasite pour 200 champs.
  • avantages : le frottis permet le diagnostic d'espèce, l'étude de la densité plasmodiale et celle des signes hématologiques associés. Il est adapté à l'urgence. Il permet également le diagnostic d'autres agents pathogènes sanguicoles. Enfin, il autorise une lecture différée dans le temps et le lieu, permettant ainsi un contrôle.
  • inconvénients : il nécessite une bonne réalisation technique, la lecture est longue (20 minutes), le seuil de détection est élevé et l'apprentissage est indispensable.

2. Le QBC Malaria test® :

  • seuil de détection : 1 HPM.
  • avantages : le seuil de détection est bas, le test est adapté à l'urgence, le diagnostic des autres agents pathogènes sanguicoles est possible, l'apprentissage est simple pour un personnel formé à la lecture du frottis sanguin.
  • inconvénients : le matériel est onéreux ; le test ne permet pas le diagnostic d'espèce, l'étude de la densité plasmodiale ni celle des signes hématologiques associés ; l'apprentissage nécessite la formation préalabloe à la lecture du frottis sanguin ; la lecture différée dans le temps est limitée à cinq jours.

3. La recherche de l'HRP2 :

  • seuil de détection : estimé à 10 HPM. En pratique, la recherche d'HRP2 est toujours positive si la densité parasitaire est > 0,01 %.
  • avantages : la technique permet le diagnostic d'infection à Plasmodium falciparum. Elle est adaptée à l'urgence et à l'utilisation sur le terrain. Son apprentissage est simple. La clairance de l'HRP2 étant plus longue que la clairance parasitaire, la technique permet un diagnostic rétrospectif d'infection par Plasmodium falciparum. Enfin, elle autorise une lecture différée dans le temps et dans le lieu.
  • inconvénients : la technique est strictement spécifique de Plasmodium falciparum. Elle ne permet pas le diagnostic d'autres agents pathogènes sanguicoles, l'étude de la densité plasmodiale ni celle des signes hématologiques associés.

retour au sommaire

 

La stratégie diagnostique

Les techniques usuelles de diagnostic microscopique sont la goutte épaisse et surtout le frottis sanguin mince. La fiabilité de ces examens est conditionnée par leur bonne réalisation technique.

L'utilisation en routine au laboratoire d'analyses médicales de la plupart des techniques nouvelles de diagnostic parasitologique ne peut être envisagée avant plusieurs années. Seuls le QBC-malaria Test® et la recherche d'HRP2, spécifique de Plasmodium falciparum, présentent actuellement un intérêt pratique.

Le QBC-malaria Test® reste le test parasitologique le plus sensible : il doit conserver sa place en première ligne. La recherche d'HRP2 doit lui être associée en cas de positivité, systématiquement pour un biologiste peu entraîné, et quand la parasitémie est faible.

Quand le QBC-malaria Test® est négatif, la recherche d'HRP2 n'a d'intérêt que si l'interrogatoire retrouve un traitement antipaludique dans les jours qui ont précédé : la mise en évidence d'HRP2 apporte dans ce cas la preuve de l'origine plasmodiale de la maladie.

Dans une population non immune, si le QBC-malaria Test® n'est pas disponible, l'association frottis sanguin mince - recherche d'HRP2 est nécessaire.

La recherche d'HRP2 est adaptée à une utilisation en situation de précarité ou d'isolement. Elle doit dans ce cas être considérée comme un test d'attente en l'absence de recours médical et/ou biologique.

La présence de rares faux positifs et l'existence d'autres espèces plasmodiales interdisent, dans l'attente de tests multi-espèces, l'utilisation isolée et exclusive de la recherche d'HRP2 pour le diagnostic biologique du paludisme.

 

Stratégie diagnostique dans les laboratoires dotés d'un microscope et d'un équipement QBC-malaria test®

 

Intérêt respectif des 3 tests :

- QBC malaria test®

  • diagnostic parasitologique des plasmodium d'intérêt humain
  • diagnostic parasitologique des autres parasites sanguicoles (trypanosomes, filaires, etc.)

- Recherche de l'antigène HRP2 :

  • argument d'identification de Plasmodium falciparum quand un plasmodium est mis en évidence par leQBC malaria test®
  • élimine les faux positifs liés à la lecture du QBC malaria test® par un personnel non habitué au diagnostic parasitologique
  • argument pour incriminer Plasmodium falciparum quand un malade est vu "en deuxième main" après un auto-traitement ou un traitement présomptif ayant abaissé la densité parasitaire en dessous du seuil de détection des tests parasitologiques
  • possibilité de supervision à distance dans le temps et l'espace

- Frottis sanguin

  • évaluation de la densité parasitaire de Plasmodium falciparum
  • diagnostic parasitologique des plasmodium d'intérêt humain et des autres parasites sanguicoles
  • signes hématologiques indirects d'infection palustre (syndrome hématologique associant thrombopénie relative et présence de lymphocytes activés)
  • possibilité de supervision à distance dans le temps et l'espace

 

Stratégie diagnostique dans les laboratoires dotés d'un microscope

 

Intérêt respectif des deux tests :

- Frottis sanguin

  • évaluation de la densité parasitaire de Plasmodium falciparum
  • diagnostic parasitologique des plasmodium d'intérêt humain et des autres parasites sanguicoles
  • signes hématologiques indirects d'infection palustre (syndrome hématologique associant thrombopénie relative et présence de lymphocytes activés)
  • possibilité de supervision à distance dans le temps et l'espace

- Recherche de l'antigène HRP2 :

  • confirme l'identification de Plasmodium falciparum, en particulier quand la densité parasitaire est trop faible pour une identification parasitologique sur frottis mince
  • argument pour incriminer Plasmodium falciparum quand un malade est vu "en deuxième main" après un auto-traitement ou un traitement présomptif ayant abaissé la densité parasitaire en dessous du seuil de détection des tests parasitologiques
  • possibilité de supervision à distance dans le temps et l'espace

 

Diagnostic sur le terrain

 

Intérêt du test :

1. Test positif

  • argument majeur pour affirmer le présence de trophozoïtes de Plasmodium falciparum, sans pouvoir différencier paludisme infection et paludisme maladie ce qui, dans ces circonstances, n'a pas de retentissement sur la conduite à tenir.
  • argument pour adapter le traitement présomptif du paludisme en fonction du niveau local de résistance de Plasmodium falciparum aux antipaludiques.
  • argument pour juger de l'urgence d'une évacuation sanitaire
  • possibilité de supervision à distance dans le temps et l'espace

2. Test négatif

  • argument fort contre le paludisme maladie ou le paludisme infection par Plasmodium falciparum.
Cette stratégie doit être intégrée dans une stratégie de traitement d'attente et impose une consultation médicale dès que possible. Elle ne dispense pas de réaliser en parallèle un frottis sanguin qui sera lu dans un deuxième temps. Un test négatif ne dispense pas de réaliser un traitement systématique.

 


 

LE FROTTIS SANGUIN

1. CONFECTION DU FROTTIS

Utiliser des lames parfaitement dégraissées : on lave avec une poudre à récurer, puis on rince à l'eau, puis avec un mélange alcool-éther en utilisation extemporanée.

Recueillir le sang

  • par ponction veineuse sur tube à hémogramme (EDTA ou héparine), ce qui permet de pratiquer sur le même prélèvement les examens hématologiques.
  • par piqûre à l'aide d'une microlance au bout du doigt.

Réaliser l'étalement

  • idéalement à l'aide d'une lame rodée, à nettoyer soigneusement après chaque usage, avec de l'alcool et une compresse.
  • à défaut, à l'aide d'une lamelle (à détruire après usage).

Le frottis doit être mince, régulier et comporter une tête, un corps, une queue et deux bords. Pour cela, l'étalement doit se faire d'un mouvement régulier, ni trop lent (frottis trop mince débordant à l'autre extrêmité de la lame), ni trop rapide (frottis court et épais).

 

Une fois réalisé, le frottis doit être séché immédiatement, manuellement par agitation, ou à l'aide d'un ventilateur. Il doit être identifié avec précision (nom, date)à l'aide d'un crayon à papier, en écrivant sur la tête du frottis, après séchage complet de ce dernier.

Le stockage se fera à l'abri des mouches. Si un stockage prolongé, supérieur à 6 heures, est prévisible, il faut fixer le frottis au méthanol (bain de 3 minutes ou évaporation d'un film couvrant le frottis). Il ne faut JAMAIS fixer par flambage de type bactériologique.

2. COLORATION DU FROTTIS

Quatre techniques de coloration peuvent être utilisées :

- la coloration de May-Grunwald-Giemsa : c'est celle qui donne les meilleurs résultats. Les couleurs sont vives et contrastées.

- la coloration de Giemsa : la technique est plus simple, mais moins discriminante.

- la coloration panoptique : cette technique très rapide présente l'inconvénient de donner des teintes "pastel" nécessitant une certaine habitude pour la lecture.

- la coloration rapide des frottis RAL 555 : c'est un bon compromis qualité/rapidité.

3. IDENTIFICATION DES PARASITES

Cette identification ne peut se faire que sur un frottis de bonne qualité. Un frottis médiocre est à l'origine de la plupart des faux positifs.

4. MESURE DE LA DENSITE PARASITAIRE

La mesure s'effectue sur tous les frottis où la présence de Plasmodium falciparum est affirmée et sur les frottis où persiste une incertitude quant à l'exoèce plasmodiale. En cas de polyparasitisme d'espèces, la densité doit être estimée espèce par espèce.

5. AIDE AU DIAGNOSTIC

- Attention au polyparasitisme

- Bioécologie des plasmodiums

A côté des éléments biologiques, la connaissance du cycle des différentes espèces plasmodiales et de leur répartition géographique apporte des renseignements intéressants :

- il est très rare de diagnostiquer Plasmodium vivax chez un sujet mélanoderme car il existe une résistance due à l'absence des déterminants antigéniques Fy a et Fy b (groupe érythrocytaire Duffy).

- il doit être tenu compte de l'existence d'hypnozoïtes pour Plasmodium vivax et Plasmodium ovale, qui expliquent la possibilité de rechute après traitement schizonticide.

- sur le plan géographique, Plasmodium falciparum est distribué dans toute la zone intertropicale limitée par l'isotherme 18°C, Plasmodium vivax se rencontre dans la zone intertropicale et tempérée chaude. Il est rare en Afrique, sauf en Afrique du Nord et sur les îles avoisinnantes (Madagascar et Comores). Plasmodium malariae se rencontre par tâches dans toute l'Afrique. Plasmodium ovale est restreint à L'Afrique Centyrale et aux Comores.

- Pratique d'un score

Une orientation diagnostique peut être donnée par la pratique d'un score, si la densité parasitaire le permet : à chaque parasite vu, on attribue le nom de l'espèce la plus probable morphologiquement. Le décompte se fait sur au moins 50 parasites et l'espèce retenue est celle qui obtient le score le plus élevé.

ATTENTION

il ne faut pas faire l'amalgame entre incertitude diagnostique

et attitude thérapeutique

L'examen microscopique est actuellement la pièce maitresse du diagnostic, lorsqu'il est réalisable et bien conduit. Le diagnostic individuel de paludisme peut donc s'appuyer sur la microscopie optique à condition toutefois que le résultat puisse être communiqué rapidement au thérapeute.

retour au texte principal

 


 

LA GOUTTE EPAISSE

Sir Ronald Ross (1903)

La goutte épaisse, mise au point par Ronald Ross en 1903, permet l'examen sur une surface de moins de 1 cm2 d'une quantité de sang relativement importante (3 à 5 microlitres). Ceci aboutit à une concentration des parasites : le seuil de positivité du test est évalué à 10 à 20 hématies parasitées par microlitre (HPM).

Mais cet avantage est contre-balancé par de nombreux inconvénients, liés autant à la réalisation technique qu'à l'interprétation de l'examen :

  1. Le prélèvement doit être effectué au bout du doigt car un prélèvement sur anticoagulant (EDTA) rend plus difficile la confection de la goutte épaisse.
  2. Avant de colorer une goutte épaisse, il faut soit la laisser sécher 24 heures à la température ambiante, soit, à la rigueur, au moins deux heures à 37°C. Cette donnée est peu compatible avec un examen en urgence. Des artifices techniques permettent un séchage accéléré, mais ils induisent des contraintes matérielles (séchage au four à micro-ondes).
  3. Les inconvénients majeurs apparaissent au moment de la lecture : en effet, la morphologie des parasites est modifiée et les hématies parasitées, dont la morphologie est très utile au diagnostic d'espèce, sont lysées. En outre, la numération des hématies parasitées n'est pas non plus réalisable. Seule est envisageable une évaluation très grossière de la parasitémie faisant appel à un rapport parasites/leucocytes.

Ainsi, la goutte épaisse apparaît comme une technique d'enrichissement anciennement anciennement connue, qui n'est fiable et sensible que lue par des techniciens par des techniciens très entraînés, mais qui, même dans des mains expertes, n'est pas utilisable dans le cadre de l'urgence et ne permet pas de répondre rapidement aux trois questions posées au biologiste : l'examen met-il en évidence un Plasmodium ? S'agit-il de Plasmodium falciparum ? S'il s'agit de Plasmodium falciparum, quelle est la densité parasitaire ?

il sera peut-être nécessaire de préconiser à nouveau une utilisation large de cette méthode si la disparition annoncée du QBC Malaria Test® est effective, avant que ne soient développées d'autres techniques au seuil de détection bas.

 


 

LE QBC-malaria test®

 

1. PRESENTATION DU TEST

Principe

Ce test, présenté pour la première fois en 1986 dans une application essentiellement hématologique et vétérinaire (numération avec approche de la formule), réalise une coloration à l'état frais par l'acridine orange des éléments figurés du sang, séparés en fonction de leur densité par gravimétrie en tube microcapillaire de précision.

Le principe de son utilisation pour le diagnostic parasitologique repose sur 3 éléments :

  • la centrifugation, qui sépare les éléments en fonction de leur densité, concentre et range les éléments identiques à certains niveaux prévisibles du tube.
  • pendant la centrifugation, un flotteur vient se positionner à cheval sur le manteau leuco-plaquettaire et la couche érythrocytaire : il provoque une expansion mécanique des cellules qui l'entourent, dans l'espace résiduel de 40 µm, au contact de la paroi du tube où elles seront facilement observables.
  • l'acridine orange, agent intercalant spécifique des acides nucléiques, après excitation par une source lumineuse appropriée (UV ou filtrée par dichroïsme), induit chez les cellules possédant du matériel nucléique une coloration métachromatique différentielle entre l'ADN (vert pomme à jaune vert) et l'ARN (vert à rouge orangé). Elle va révéler la présence des parasites sur le fond sombre des hématies a priori dépourvues de structures nucléiques systématisées.

Matériel

1. La trousse est composée de différents éléments :

  • un tube capillaire à micro-hématocrite, en verre, de 75 mm de long. Sur les parois internes du tube sont fixés divers réactifs : acridine orange à une extrêmité ; anticoagulant (héparinate de sodium, EDTA) à l'extrêmité opposée ; oxalate de potassium destiné à accroître la densité de globules rouges par action osmotique, facilitant ainsi leur séparation d'avec les globules blancs (notamment entre les réticulocytes et les granulocytes).
  • un flotteur cylindrique en plastique, de même gravité relative que celle des leucocytes, mesurant 20 mm de long.
  • un bouchon obturateur en plastique.

2. La mise en oeuvre nécessite le matériel suivant :

  • une centrifugeuse à micro-hématocrite dont le plateau est équipé de 20 logettes adaptées à la dimension des tubes,
  • un support plastifié, le "paraviewer", comportant une gouttière destinée à recevoir le tube et permettant l'examen sur la platine du microscope,
  • un microscope équipé d'une source de lumière UV et de filtres FITC, d'un objectif à immersion au grossissement X60 ou X50 et d'une distance focale ³ 0,34 mm pour s'affranchir de l'épaisseur de la paroi du tube et pour pouvoir examiner plusieurs épaisseurs cellulaires.Il existe un modèle de terrain, d'un principe original, pouvant fonctionner en mode secteur ou sur batterie : il est adaptable sur tout microscope standard ; il comporte une source de lumière froide reliée par fibre optique à un objectif à immersion X60, modifié par l'adjonction de filtres dichroïques placés sur le trajet de la lumière, qui permettent l'excitation de l'acridine orange et l'obtention d'une image fluorescente.

Méthode

1. Le prélèvement :

L'échantillon de sang nécessaire, soit 55 à 65 µl, est obtenu par capillarité à partir de sang veineux prélevé sur anticoagulant ou de sang capillaire après piqûre d'un doigt. Le remplissage s'opère au niveau de l'extrêmité "coatée" en anticoagulants, le niveau de remplissage étant repéré par deux marques inscrites sur le tube.

2. La préparation :

Le tube, pris entre deux doigts gantés, est alternativement incliné d'un côté et de l'autre afin de permettre le contact des éléments figurés du sang avec l'acridine orange. Un bouchon obturateur est ensuite placé à l'extrêmité opposée à celle du remplissage, puis le flotteur est introduit à l'aide d'une pince pour éviter le contact avec les doigts. Le délai d'attente avant la centrifugation peut, dans notre expérience, atteindre 5 heures sans altération de la lisibilité. Le tube ainsi conditionné est déposé dans la centrifugeuse où il subit une accélération de 12 000 g pendant 5 minutes.

3. La lecture :

La lecture est possible immédiatement. Elle permet de visualiser successivement sous le plasma le manteau plaquettaire, l'anneau lympho-monocytaire, la couche des granuleux et enfin le sédiment érythrocytaire.

Notre pratique nous montre que le protocole classique (examen en lumière UV de la couche érythrocytaire depuis l'interface globules rouges/globules blancs, sur quelques champs en dessous) peut être pris en défaut dans certaines situations, en particulier chez les patients porteurs de gamétocytes de Plasmodium falciparum et/ou de formes asexuées de Plasmodium vivax, Plasmodium ovale ou Plasmodium malariae.

2. CONDUITE PRATIQUE ET CRITERES D'IDENTIFICATION

La conduite pratique :

Il est préférable de prélever un échantillon de sang, capillaire ou veineux, légèrement supérieur à celui préconisé par le fabricant. Le tube est rempli jusqu'au milieu, ce qui correspond à une centaine de microlitres. Dans ces conditions, il n'y a pas de répercussions péjoratives sur la qualité de la coloration par l'acridine ni sur la séparation des différentes couches lors de la centrifugation. Puis le tube est examiné en fluorescence, au grossissement X50, la mise au point initiale centrée sur la couche érythrocytaire au niveau de l'interface avec les leucocytes. Le diagnostic positif est souvent posé instantanément. En cas de négativité, toute la hauteur du sédiment cellulaire est parcourue en explorant, pour chaque champ, les quatre principaux plans de netteté accessibles par le jeu de la vis micrométrique.

Il est indispensable de rajouter à ce protocole classique une étape fondamentale qui consiste en l'examen du "buffy coat" sous lumière blache, i.e. sans fluorescence. Cette étape permet très facilement d'objectiver, grâce à leur pigment clairement discernable, les stades sexués des différentes espèces, qui migrent de façon préférentielle dans les couches leucocytaires et peuvent ne pas être représentés dans le sédiment érythrocytaire, notamment en cas de faible parasitémie. Cette procédure permet également le repérage des éventuels leucocytes mélanifères, parfois seuls stigmates d'un contact récent avec le parasite.

Le diagnostic positif :

La morphologie des parasites reste très comparable à celle observée sur frottis sanguin mince, même en cours de traitement. Sur un fond sombre, où les membranes érythrocytaires dessinent une résille, les trophozoïtes s'observent en position intra-érythrocytaire. Le noyau émet une fluorescence verte intense, homogène, de 1 à 2 µm de diamètre. Le cytoplasme, de taille variable, émet une fluorescence de vert à orange, moins intense, à bords nets, en croissant, de largeur et d'épaisseur variables. Il enserre le noyau entre ses extrêmités et délimite une zone non fluorescente correspondant à la vacuole nutritive.

Le diagnostic positif de trophozoïte repose donc TOUJOURS sur une image associant un noyau et un cytoplasme, en situation intra-érythrocytaire, comme on peut le vérifier en variant les plans de netteté.

En cas d'hémolyse des hématies, la situation intra-érythrocytaire disparaît, mais la morphologie du parasite est conservée.

Le diagnostic différentiel :

- La distinction des parasites et des leucocytes est très facile. La taille des éléments, comparée à celle des globules rouges, est discriminante : le noyau du parasite fait environ 2 µm, celui des leucocytes 5 fois plus ; sa forme est compacte chez le trophozoïte, lobulée chez le polynucléaire.

- Ces critères permettent d'éliminer facilement les débris cellulaires contaminant éventuellement la couche des hématies car ils ne forment pas une image systématisée compatible avec le diagnostic et leur fluorescence rougeâtre s'éteint en quelques secondes sous excitation lumineuse, contrairement à celle des parasites.

- De même, les corps de Jolly se présentent sous la forme d'un point très brillant, vert pomme, parfaitement circulaire, souvent centré par un petit point sombre non fluorescent. Parfois, ils sont entourés d'un lambeau rougeâtre pouvant évoquer un cytoplasme, mais cette fluorescence s'éteint aussi très rapidement.

- Les plaquettes peuvent poser un délicat problème car elles contaminent fréquemment la couche des hématies. En effet, leur taille est proche de celle d'un trophozoïte et, comme sur les frottis sanguins, elles se superposent volontiers aux hématies. Cependant, on ne retrouve pas de morphologie associant noyau et cytoplasme, mais plutôt un aspect hétérogène et micro-granulaire de la fluorescence, de tonalité vert pâle parsemée de ponctuations jaunâtres, aux limites incertaines. L'examen aux différents niveaux de netteté.

- Le seul vrai problème de diagnostic différentiel, qui pourrait exceptionnellement se poser, est constitué par la distinction entre Plasmodium et Babesia du fait de la similitude d'aspect, de taille et de situation intracellulaire. Toutefois, il nous a été possible de retrouver dans le cas de la babésiose, par le jeu de la vis micrométrique, un aspect en marguerite que nous n'avons jamais observé en cas de paludisme.

L'habitude vient rapidement au lecteur, mais, en cas de doute, il faut considérer qu'UN ASPECT ATYPIQUE DOIT ETRE RENDU NEGATIF. Le cas limite théorique est représenté par une parasitémie extrêmement faible, une morphologie très altérée par un traitement antérieur à l'examen et la présence de plaquettes de morphologie anormale, comme il est possible d'en rencontrer dans le paludisme.

Orientation du diagnostic d'espèce :

Le diagnostic d'espèce repose sur un faisceau d'arguments. Dispersion et monomorphisme de l'image constituent un très bon argument en faveur d'une infection par Plasmodium falciparum. Polymorphisme et concentration permettent d'évoquer une autre espèce. Cependant, il s'agit là de conditions idéales, rarement réalisées (faible parasitémie, morphologie altérée par une prise médicamenteuse, présence de deux espèces). L'examen du frottis mince coloré par le MGG reste indispensable au diagnostic d'espèce. Il est nécessaire également à l'évaluation de la densité parasitaire.

 

Lecture en fluorescence : étude des couches leucocytaires et des érythrocytes

 
Plasmodium falciparum
Autres espèces
Répartion des hématies parasitées
homogène
concentration proche des couches leucocytaires
Aspect général
monotone
bigarré
Morphologie des trophozoïtes
jeunes et réguliers
volumineux et irréguliers
Shizontes et rosaces
absents
présents
Gamétocytes
en banane
arrondis

 

Lecture en lumière blanche : étude des couches leucocytaires

 
Plasmodium falciparum
Autres espèces
Pigment palustre
absent
présent
Schizontes et rosaces
absents
présents
Gamétocytes
en banane
arrondis

 

3. PERFORMANCES DU TEST

Les performances du test nous paraissent étroitement dépendantes de la formation du lecteur, de l'utilisation d'un matériel adéquat, tout particulièrement l'objectif, et d'un protocole de lecture complet.

Sensibilité, spécificité :

Les résultats montrent une supériorité du test face aux méthodes classiques. Le seuil de détection du test, évalué sur une cascade de dilutions d'une culture de Plasmodium falciparum bloquée au stade de trophozoïtes jeunes, est estimé à 0,1 à 1 hématie parasitée par microlitre (HPM).

Des études ont montré que le test dépiste une parasitémie plus précocément que la goutte épaisse. De même, la clairance parasitaire est plus élevée avec ce test (84 ± 13 heures) qu'avec le frottis (66 ± 11 heures). Comparé aux tests de biologie moléculaire (sondes nucléiques) et de cytométrie de flux, le QBC reste le plus performant. C'est donc actuellement la méthode de diagnostic la plus sensible.

En appliquant les critères de diagnostic positif du genre Plasmodium, les résultats montrent une spécificité de 100 %.

Faisabilité :

L'aspect le plus remarquable du test est sa rapidité de réponse, même en cas de parasitémie très faible : la lecture est possible 6 minutes après le prélèvement et si en moyenne un diagnostic positif est posé en moins d'une minute, trois minutes suffisent pour rendre un test négatif aux limites du seuil de détection.

La sécurité et la simplicité de la mise en oeuvre sont des qualités éprouvées et approuvées par l'ensemble des utilisateurs. La qualité du marquage des parasites par l'acridine orange est constante. Grâce au caractère très discriminant de l'image du parasite à l'état frais, l'apprentissage de la lecture avec la reconnaissance formelle des parasites demande moins de 2 heures à un technicien déjà formé au diagnostic parasitologique.

Conservé à l'obscurité à + 4 °C, un tube centrifugé reste lisible 10 à 15 jours. Ce délai tombe à 48 heures en cas de conservation à + 37 °C. La réalisation d'un frottis en parallèle permet l'archivage des échantillons positifs.

4. CONCLUSION

Malgré ses limites, le QBC-malaria test® constitue la seule véritable alternative aux méthodes de référence que sont le frottis et la goutte épaisse. Il apporte un progrès manifeste en termes de sensibilité, de rapidité et de fiabilité. Il est tout à fait adapté au diagnostic et en particulier à celui des nouvelles formes cliniques pauci-parasitémiques du paludisme.

Son intérêt a été prouvé dans les enquêtes épidémiologiques et il est maintenant difficile de s'en priver dans ce cadre précis.

Il est extrêmement regrettable que, sur des arguments purement économiques, le fabricant ait choisi de ne plus commercialiser le matériel. Les réactifs sont encore disponibles.

 


 

LA RECHERCHE DE L'ANTIGENE HRP2

 

1. GENERALITES

Les tests sont fondés sur la détection de l'Histidine Rich Protein 2 (HRP2) qui est une glycoprotéine spécifique de Plasmodium falciparum exposée à la surface du globule rouge parasité et, en même temps, activement sécrétée par les parasites intracellulaires.

Sa sécrétion est constante tout au long du cycle érythrocytaire du parasite avec un pic au moment de la rupture des schizontes.

L'HRP2 a été isolée sur des souches de Plasmodium falciparum d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du sud.

L'ensemble de ces critères a conduit au choix de l'HRP2 comme marqueur de l'infection par Plasmodium falciparum.

La sensibilité et la spécificité de ces tests, une valeur prédictive positive très élevée, une bonne stabilité sur le terrain et l'absence de réaction croisée avec les autres espèces plasmodiales d'intérêt humain ont fait rentrer ces tests dans le domaine courant.

2. PRESENTATION DES TESTS

Ils se présentent sous forme unitaire. Réalisation et lecture ne nécessitent aucun appareillage. L'HRP2 est détecté dans un prélèvement de sang total par adjonction d'un anticorps monoclonal anti-HRP2 couplé à un révélateur coloré.

Le test ParaSight®-F

Le test PraSight®-F (Becton Dickinson Tropical Diseases Diagnostics, Sparks, MD, USA) est un test manuel sur bandelette. Il nécessite l'utilisation successive de 3 réactifs. Il présente les qualités de thermorésistance requises pour une utilisation sur le terrain : 9 mois à température ambiante et 6 mois à 37°C.

sensibilité : 93,04 %

spécificité : 100 %

Le test MalaQuick®

Le test MalaQuick® (ICT Diagnostics, Sydney, Australie, distribué en France par les Laboratoires Fumouze) possède l'avantage d'une utilisation simplifiée. Il est conditionné en trousses de 2, 3, 5 et 25 tests et n'utilise qu'un seul réactif liquide. Les tests sont présentés en cartes repliables qui assurent une conservation du test avec possibilité de relecture différée et qui limitent le risque de contact du manipulateur avec le sang du malade. Le fabricant recommande une conservation en froid positif, mais les études en zone tropicale comparant les résultats sur trousses conservées à température ambiante et en froid positif n'ont pas montré de discordance. Ainsi, ce test peut être recommandé tant en situation de précarité qu'en pratique hospitalière.

sensibilité : 97,39 %

spécificité : 100 %

 

3. CONCLUSIONS

Ces tests sont d'autant plus utiles qu'ils peuvent s'adresser à des personnels médicaux et paramédicaux insuffisamment formés à un diagnostic parasitologique direct.

En zone d'endémie du paludisme, la recherche d'HRP2 semble répondre aux critères techniques de l'OMS caractérisant un test de diagnostic de Plasmodium falciparum adapté aux structures de soins périphériques ne disposant pas d'un microscope.

Pour le diagnostic du paludisme d'importation, ce test ne peut remplacer les techniques microscopiques du fait de sa spécificité d'espèce stricte et de son absence de quantification. Mais il peut leur être associé car sa grande sensibilité et son seuil de détection bas en font un test d'appoint très utile pour les faibles parasitémies, surtout en cas d'automédication préalable.

Ils présentent plusieurs avantages :

  • réalisation aisée par un personnel non formé aux techniques parasitologiques
  • interprétation incontestable dans l'immense majorité des cas
  • test spécifique de Plasmodium falciparum, avec les implications thérapeutiques et opérationnelles que peut entraîner un résultat positif
  • faisabilité sur le terrain.

Ils ne doivent pas être utilisés seuls, sauf conditions d'isolement, car ils n'apportent pas tous les éléments nécessaires à une prise en charge thérapeutique optimale des accès fébriles en zone d'endémie palustre :

  • spécificité de Plasmodium falciparum (des tests "multi-espèces" existent, mais ne sont pas encore commercialisés en France)
  • détection des formes trophozoïtaires seules
  • absence de corrélation entre l'intensité du signal et la densité parasitaire.

 


 

LES TECHNIQUES DE COLORATION

 

1. LA COLORATION DE MAY-GRUNWALD-GIEMSA

- Couvrir la lame de 10 gouttes de May-Grunwald pur et laisser agir 3 minutes.

- Ajouter sur la lame 10 gouttes d'eau tamponnée et agiter doucement pour homogénéiser. Laisser agir 1 minute.

- Renverser le mélange. Ne pas laver.

- Couvrir la lame à l'aide d'un giemsa dilué préparé extemporanément en eau tamponné :

  • giemsa dilué au 1/10 pendant 10 minutes
  • giemsa dilué au 1/20 pendant 20 minutes : meilleur contraste

- Laver à l'eau tamponnée.

- Essuyer la lame du côté opposé au frottis.

- Sécher : étuve, séchoir à cheveux, ventilateur.

ATTENTION

LE MAY-GRUNWALD S'EVENTE CAR IL CONTIENT DE L'ALCOOL

IL FAUT SYSTEMATIQUEMENT PRATIQUER UNE FIXATION EN PREALABLE A LA COLORATION

 

2. LA COLORATION DE GIEMSA

- Fixer au méthanol.

- Couvrir la lame avec une dilution de Giemsa au 1/20 préparée extemporanément à l'aide d'une eau tamponnée. Laisser agir 20 à 30 minutes (c'est l'expérience qui permet de déterminer une durée optimale).

- Laver à l'eau tamponnée.

- Essuyer la lame du côté opposé au frottis.

- Sécher : étuve, séchoir à cheveux, ventilateur.

 

3. LA COLORATION RAPIDE (PANOPTIQUE)

- Couvrir la lame à l'aide de 10 gouttes de colorant panoptique et laisser agir 90 secondes.

- Ajouter la même quantité d'adjuvant pour hématologie et laisser agir 90 secondes.

- Rincer avec ce même adjuvant.

- Essuyer la lame du côté opposé au frottis.

- Sécher la lame immédiatement, en faisant attention car le frottis est fragile.

 

 


 

L'IDENTIFICATION DES PARASITES

 

ATTENTION

Cette identification ne peut se faire que sur un frottis de bonne qualité.

Un frottis médiocre est à l'origine de la plupart des faux positifs.

Alphonse Laveran, découvreur de l'hématozoaire du paludisme (1870)

La recherche s'effectue au grossissement 1000 (oculaire 10 et objectif 100), à l'immersion. La zone du frottis où elle s'effectue est choisie en fonction de l'étalement : on effectue la recherche dans la zone où les hématies sont jointives, mais non superposées. Le balayage dans cette zone est régulier, transversal, chaque passage étant décalé afin de ne pas lire plusieurs fois le même champ.

RECONNAITRE LE PARASITE

Dans le sang périphérique, le parasite est intraglobulaire. C'est un parasite unicellulaire comportant obligatoirement un notau coloré en rouge et un cytoplasme coloré en bleu. La mise en évidence de la vacuole nutritive incolore et du pigment palustre coloré en noir est plus contingente.

Les pièges :

  • artéfacts de séchage ou de coloration
  • corps étrangers
  • projection d'une plaquette sanguine sur une hématie

RECONNAITRE LE STADE EVOLUTIF

Le trophozoïte : c'est un stade allant de la pénétration du mérozoïte dans le globule rouge jusqu'à la division du noyau. Le trophozoïte jeune est caractérisé par un cytoplasme mince ceinturant la vacuole nutritive. Le noyau est rejeté en périphérie. Le parasite mesure jusqu'à 1/3 du diamètre de l'hématie. Au fur et à mesure de son développement, les modifications parasitaires sont caractériqées en particulier par une déformation et une augmentation de volume du cytoplasme sans division nucléaire.

Le schizonte : ce stade est caractérisé par une division nucléaire non accompagnée de division cytoplasmique. Il s'y associe un aspect irrégulier et tourmenté du cytoplasme et une difficulté à visualiser la vacuole nutritive.

La rosace : elle représente le stade ultime du schizonte mature. La division répétée du noyau non accompagnée de division cytoplasmique aboutit à la formation d'une cellule parasitaire multinucléée. La vacuole nutritive a disparu. Le pigment palustre (hémozoïne) est concentré au centre, les noyaux sont répartis en périphérie. Leur nombre et leur disposition sont variables selon l'espèce plasmodiale.

Le gamétocyte : les contours du gamétocytes sont arrondis ou ovalaires. Le noyau est souvent mal individualisé, l'hémozoïne est souvent abondante. La teinte du cytoplasme varie selon le sexe du gamétocyte, bleu franc pour les femelles et lilas pour les mâles. L'absence de vacuole nutritive permet de différencier gamétocyte et trophozoïte âgé. La forme en banane est caractéristique de l'espèce Plasmodium falciparum.

IDENTIFIER L'ESPECE PLASMODIALE : LES TROIS ETAPES

Aspect général du frottis :

  1. Plasmodium falciparum : parasitisme souvent intense et monotone, avec des parasites au même stade évolutif, celui de trophozoïte (pluie d'anneaux). Le polyparasitisme de l'hématie est fréquent.
  2. Plasmodium vivax : parasitisme peu dense avec bigarrure (mélange des différents stades évolutifs). Le polyparasitisme est exceptionnel.
  3. Plasmodium malariae : parasitisme peu dense avec bigarrure et abondance du pigment palustre.
  4. Plasmodium ovale : parasitisme peu dense, bigarrure et possibilité de polyparasitisme.

Aspect de l'hématie parasitée :

  1. Plasmodium falciparum : taille et forme non modifiée. Les tâches de Maurer, classiques, sont souvent mal mises en évidence par la coloration. Ce sont des tâches de taille irrégulière, peu nombreuses, de couleur brun-rouge. On les compare à des éraillures en coup d'ongle.
  2. Plasmodium vivax : l'hématie est augmentée de volume et apparaît pâle (deshémoglobinisée). elle est parfois déformée. Au stade de trophozoïte âgé et de schizonte, on observe un semis de granulations rondes, de petite taille, très nombreuses, colorées en brun rouge : les granulations de Schüffner.
  3. Plasmodium malariae : l'hématie est diminuée de volume, sans modification de forme. Elle est de coloration plus sombre. Le pointillé de Zieman est très inconstant.
  4. Plasmodium ovale : l'hématie est modérément augmentée de taille. Elle est souvent ovalisée avec une extrémité frangée. Elle est parfois de teinte pâle, mais surtout il existe des granulations de Schüffner dès le stade de trophozoïte jeune.

Aspect morphologique du parasite :

1. Plasmodium falciparum :

Le trophozoïte jeune est petit (1/4 de la taille de l'hématie). Il est souvent accolé à la paroi de l'hématie et prend l'aspect de bracelet arabe (noyau bilobé et cytoplasme fin). Il n'y a pas de pigment palustre.

Le trophozoïte âgé est plus volumineux et plus irrégulier (forme de raquette, de filet à papillons).

Le schizonte et la rosace ne sont généralement pas rencontrés dans le sang périphérique en dehors des accès de neuropaludisme à forte parasitémie.

Le gamétocyte mature est caractéristique : sa forme en cigare, en banane, déforme l'hématie dont on ne distingue la présence que difficilement. Sa taille est de 8 à 15 microns.

 

Plasmodium falciparum (d'après G. Villain)

 

2. Plasmodium vivax :

Le trophozoïte jeune occupe le 1/3 de l'hématie. Le cytoplasme est plus épais que celui de Plasmodium falciparum. Il n'y a pas de pigment palustre.

Le trophozoïte âgé est caractéristique (corps amoeboïde). Le cytoplasme est étiré en tous sens, déformé, très polymorphe. La vacuole nutritive est mal délimitée et le pigment palustre fin.

Le schizonte comporte des noyaux irréguliers en taille et en répartition dans le parasite.

La rosace est volumineuse : elle occupe toute l'hématie et comporte 12 à 18 mérozoïtes irrégulièrement répartis. Le pigment est rassemblé au centre.

Le gamétocyte est arrondi ou ovalaire et occupe la quasi totalité de l'hématie. Le noyau est excentré et le pigment abondant.

Plasmodium vivax (d'après G. Villain)

 

3. Plasmodium malariae :

Le trophozoïte jeune est comparable en taille et en forme à celui de Plasmodium vivax, mais à ce stade il possède un grain de pigment.

Le trophozoïte âgé est plus volumineux. Le pigment est très abondant. On retrouve deux aspects classiques : la bande équatoriale, forme rigide et transversale du parasite dans l'hématie, et la forme hémogrégariniforme où le parasite se replie en vermicule, avec un pigment abondant.

Le schizonte ne se différencie du trophozoïte âgé que par la division du noyau.

La rosace est caractéristique par son aspect régulier en marguerite, avec au centre un pigment palustre très abondant et en périphérie 8 à 12 mérozoïtes régulièrement répartis.

Le gamétocyte est globuleux et possède un abondant pigment palustre. Il occupe la presque totalité de l'hématie.

Plasmodium malariae (d'après G. Villain)

4. Plasmodium ovale :

Le trophozoïte jeune est comparable à celui de Plasmodium vivax, mais il possède souvent un fin grain de pigment.

Le trophozoïte âgé possède du pigment. Le parasite grossit et se déforme. A ce stade, le cytoplasme peut posséder une partie filamenteuse, mais il ne forme jamais de corps amoeboïde.

Le schizonte ne se différencie du trophozoïta âgé que par la division du noyau.

La rosace comporte 8 mérozoïtes, parfois plus, répartis plus ou moins régulièrement. Le pigment est dense, mais plus fin que chez Plasmodium malariae.

Le gamétocyte ressemble à celui de Plasmodium vivax, mais il n'occupe pas toute l'hématie.

Plasmodium ovale (d'après G. Villain)

CRITERES MAJEURS DE DIAGNOSTIC D'ESPECE

Plasmodium falciparum :

  • aspect monotone du frottis avec pluriparasitisme
  • densité parasitaire parfois très élevée
  • hématies parasitées non déformées
  • parasites souvent jeunes et de petite taille
  • absence de rosaces
  • gamétocytes en banane

Plasmodium vivax :

  • frottis bigarré
  • hématies parasitées augmentées de volume et deshémoglobinisées
  • présence de granulation de Schüffner au stade de trophozoïte
  • rosace irrégulière à 12 à 18 mérozoïtes
  • gamétocyte occupant la totalité de l'hématie
  • corps amoeboïdes

Plasmodium malariae :

  • frottis bigarré
  • hématies parasitées diminuées de taille
  • pigment palustre très abondant
  • trophozoïte en bande équatoriale
  • rosace très régulière à 8 à 12 mérozoïtes
  • gamétocyte occupant la totalité de l'hématie

Plasmodium ovale :

  • frottis bigarré avec polyparasitisme fréquent
  • hématies parasitées ovalisées avec extrémité frangée
  • granulations de Schüffner dès le stade de trophozoïte jeune
  • rosace irrégulière à 8 mérozoïtes, parfois plus
  • gamétocyte n'occupant pas la totalité de l'hématie

ATTENTION

En dehors de la découverte d'un élément de morphologie pathognomonique (gamétocytes de Plasmodium falciparum, corps amoeboïde de Plasmodium vivax, bande équatoriale de Plasmodium malariae), l'identification de l'espèce plasmodiale ne peut que se faire sur un faisceau d'arguments concordants.